Agir ensemble pour accélerer les transitions énergétiques et environnementales du maritime

Agir ensemble pour accélerer les transitions énergétiques et environnementales du maritime

Les acteurs de la chaîne de valeurs

Armateurs

Les armateurs sont in fine considérés comme les émetteurs de gaz à effet de serre d’une chaîne logistique mondiale initiée par la demande des consommateurs que nous sommes tous. La règlementation leur impose aujourd’hui des gains d’efficacité très significatifs, qu’aucune solution technologique ou énergétique ne permet aujourd’hui d’atteindre. La règlementation évolue par ailleurs de façon régulière, ne favorisant pas un cadre stable pour définir une stratégie d’investissement de plusieurs dizaines de millions à plusieurs dizaines de milliards d’euros pour les plus grands armateurs.
Les armateurs vont donc subir directement les conséquences de la règlementation, ce qui va induire des impacts sur leurs opérations (ralentissement de certains navires, dévalorisation des navires les moins performants, fermeture de certaines lignes maritimes reportées sur le transport routier ou aérien, etc.). Par ailleurs, l’inclusion du maritime dans le système EU ETS (marché carbone) va coûter au total aux armateurs européens plusieurs milliards par an, alors qu’ils doivent réaliser des investissements colossaux pour rétrofiter ou renouveler leurs flottes avec des CAPEX et OPEX qui vont croître compte tenu des prix des solutions et énergies décarbonées.
Les armateurs sont cependant des acteurs clefs, car ils commandent les navires et font les choix de telle ou telle solution ou énergie, à l’Instar de CMA-CGM qui a initié au niveau mondial le déploiement du GNL dans le transport de marchandise, ou plus récemment un soutien au développement du biométhane et méthanol.

Les armateurs ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de :

  • Donner les grandes orientations en réalisant les investissements nécessaires en termes de navires et technologies, ou d’énergie avec des contrats d’approvisionnement moyen à long terme ;
  • Tester les solutions sur leurs navires en service ou sur des premiers de série au prix de risques industriels très élevés, un armateur ne pouvant investir dans un navire démonstrateur qui ne soit pas opéré commercialement ;
  • Participer avec les bureaux d’étude, architectes, équipementiers et chantiers à la spécification des navires de plus en plus efficients, en lien avec leurs profils opérationnels.

Les principaux besoins des armateurs vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Etre informés des évolutions technologiques et énergétiques afin d’anticiper les changements et faire les meilleurs choix stratégiques ;
  • Développer avec les chantiers, équipementiers et énergéticiens une stratégie concertée intégrant les besoins opérationnels des armateurs ;
  • Disposer de briques technologiques compétitives, industrielles, fiables afin de les intégrer dans les navires qu’ils opèrent ;
  • Disposer d’outils d’aide à la décision basés notamment sur leurs données d’exploitation moyennes ou temps réel afin d’optimiser l’usage de leurs navires.

Banques et investisseurs

La transition énergétique du maritime va avoir un coût significatif en CAPEX et OPEX dans les prochaines années. De plus, le besoin crucial d’accélérer les développements technologiques et leur mise sur le marché va aussi mobiliser des capitaux propres des entreprises (grands groupes aux start-ups). Les banques ont donc un rôle majeur à jouer dans le financement de la transition énergétique, en appliquant de plus des principes (e.g. Poseidons Principle) permettant d’assurer le financement d’assets en accord avec les objectifs climatiques.

Les banques et investisseurs ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de :

  • Financer des assets verts et l’installation d’équipements dans des plans de rétrofit ;
  • Investir en capitaux propres dans les entreprises (startups, ETI, PME, etc…) pour qu’elles soient en mesure de développer des solutions

Les principaux besoins des banques et investisseurs vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Comprendre les tendances et enjeux de la transition du maritime, au travers d’études et modèles ;
  • Disposer d’une expertise indépendante pour l’évaluation des projets ;
  • Connaître les leviers et besoins prioritaires à financer.

Bureaux d'étude, d'ingénierie et d'architecture

Les bureaux d’étude, d’ingénierie et d’architecture ont la charge de développer les concepts et projets de navires qui seront demain zéro-émission. Ils doivent proposer, évaluer et optimiser différentes architectures, faire en sorte que l’intégration des différents sous-systèmes soient compatibles, évaluer au stade du design les consommations et émissions sur des profils opérationnels mêlant de nombreuses conditions d’exploitation. Ils s’appuient sur des outils de CAO et de simulation numérique, et, si besoin, sur des essais sur modèles réduits (bassin de carène, souffleries, banc d’essais mécaniques, etc.). Ils portent avec les chantiers navals la responsabilité de la performance du navire et donc de ses émissions de GES.

Le rôle fondamental des bureaux d’étude, d’ingénierie et d’architecture est de :
• Développer des concepts de navires efficients (vers le zéro émissions) en utilisant la simulation et la modélisation énergétique ;
• Evaluer les gains de consommation et d’émission des différentes solutions d’efficience énergétique ;
• Développer les démonstrateurs et premiers de série de navires vers le zéro émissions ;
• Participer aux études technico-économiques des solutions en apportant leur expertise sur la performance et la capacité d’intégration des solutions.

Les principaux besoins des bureaux d’étude, d’ingénierie et d’architecture vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Voir les laboratoires de recherche et éditeurs de logiciels améliorer la précision et les temps de réponse des outils de simulation, qui, pour certains, restent insuffisamment précis ou rapides pour optimiser certaines composantes de la performance d’un navire (houle, autopropulsion, phases instationnaires, etc.) ; 
  •  Disposer d’outils de conception de type jumeaux numériques énergétiques permettant de tester et d’optimiser un ensemble de sous-systèmes énergétiques sur des centaines de configurations opérationnelles ;
  • Etre impliqués par les armateurs et chantiers dans des projets de concept-ships en avance de phase avant une commande de navire afin de pouvoir disposer du temps nécessaire pour réaliser correctement des études et des optimisations, et obtenir des gains d’efficacité significatifs ;
  • Avoir accès, avec le concours des équipementiers, à des données de performance des solutions, afin qu’ils puissent les assembler et réaliser les études d’intégration de la meilleure façon possible.

Chantiers navals

Les chantiers de construction navale sont les intégrateurs de la filière, assemblant les différentes composantes du navire. Ils disposent de ce fait d’une vue transverse sur l’ensemble des technologies et solutions. Les chantiers ont donc la responsabilité de fournir le produit final (le navire) aux armateurs, en adéquation avec les capacités des énergéticiens à fournir l’énergie décarbonée. Les chantiers intègrent, pour les plus technologiques, des bureaux d’études et d’architecture, les moins technologiques s’appuyant sur des bureaux externes. Pour les chantiers, la production de navires en phase avec la réglementation et les usages des armateurs est stratégique et différenciant. Un chantier qui ne pourra pas proposer de solution décarbonée dans les cinq à dix ans risque de voir son modèle économique mis à mal.

Les chantiers navals ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de :

  • Construire les navires allant progressivement vers le zéro émissions, en intégrant les différentes solutions disponibles et développées par leurs soins ;
  • Réduire leur propre empreinte carbone à la conception ;
  • intégrer, dès la conception, une vision sur l’ensemble du cycle de vie incluant le démantèlement et le recyclage ;
  • Identifier et évaluer les différentes solutions techniques, les sous-ensembles et les solutions complètes possibles ;
  • Développer une vision industrielle sur les besoins de développement technologiques et académiques, en évitant par exemple les solutions qui ne passeront jamais à l’échelle.

Les principaux besoins des chantiers navals vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Pouvoir développer des prototypes et démonstrateurs dans des conditions favorables au regard des surcoûts importants ;
  • Disposer de briques technologiques compétitives, industrielles, fiables afin de les intégrer dans les navires qu’ils construisent ;
  • Développer, avec les armateurs et énergéticiens, une stratégie concertée intégrant les besoins opérationnels et énergétiques ;
  • Avoir accès aux données liées à l’exploitation des navires afin de les utiliser pour améliorer leur conception.

énergéticiens

Les énergéticiens font face à un changement profond de business model avec la réduction significative et programmée de l’énergie fossile et le besoin de développement des énergies renouvelables. Concernant le maritime, il n’y a actuellement pas de solution qui fasse l’unanimité, mais plutôt une vision de multiples énergies en fonction des usages. La décarbonation de l’énergie dédiée au maritime passe par des investissements très importants, et le développement de l’ensemble des solutions technologiques adaptées aux nouvelles énergies (stockage, soutage, conversion de puissance, etc.), en lien avec l’ensemble des acteurs.

Le rôle fondamental des énergéticiens dans la transition est de :

  • Produire et distribuer les énergies décarbonées dont aura besoin le maritime ;
  • Apporter une expertise sur les procédés de production de l’énergie afin d’aider les acteurs à faire les bons choix d’énergie ;
  • Développer une vision globale et prospective sur la disponibilité, les prix, les compétitions d’usage avec les autres industries et filières du transport ;
  • Participer aux analyses technico-économiques des différentes solutions énergétiques bas carbone à zéro émission pour les différents segments de flotte du maritime afin de prioriser et dimensionner les moyens de production.

Les principaux besoins des énergéticiens vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Connaitre les usages du maritime et ses spécificités afin d’apporter une solution adaptée et économiquement viable, le tout en cohérence avec les choix des autres filières ;
  • Définir les volumes et lieux de distribution qui seraient les mieux adaptés pour couvrir les besoins en fonction des usages ;
  • S’assurer que l’ensemble de la chaîne aval soit fonctionnelle et efficiente, et ne bloque pas l’usage de l’énergie produite.

Équipementiers (moteurs, piles à combustibles, batteries)

Les motoristes et plus généralement les fabricants de convertisseurs d’énergie (moteurs, piles à combustibles, turbines, batteries), sont au cœur de la transition car ils sont responsables de fournir une composante essentielle du navire. Les enjeux sont de réduire les émissions de GES des moteurs actuels en optimisant les rendements, de développer des moteurs basés sur les nouvelles molécules moins adaptées à la combustion ou le développement des piles à combustibles (PAC) produisant de l’électricité. De façon plus anecdotique, on peut aussi citer le développement de turbines à hydrogène ou les Small Modular Reactors (SMR).

Les équipementiers ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de :

  • Développer des solutions techniques qui vont permettre d’améliorer l’efficience énergétique des navires, pourcents par pourcents : batteries marinisées forte puissance, PAC ou moteur à combustion interne, propulsion vélique, récupération de chaleur/de froid, captation de GES à bord, etc. ;
  • Développer les convertisseurs de puissance associés aux nouvelles énergies, pour les convertir en énergie mécanique ou électrique ;
  • Fournir une vision d’ensemble sur les puissances disponibles associées à chaque solution et les horizons temporels associés.

Les équipementiers ont besoin de :

  • Identifier les segments de marché, les demandes de puissance, les contraintes d’intégration, etc. pour développer des solutions adaptées aux besoins du monde maritime ;
  • Avoir une vision claire des besoins des armateurs, chantiers, bureaux d’étude ;
  • Réaliser des tests sur bancs puis sur des navires en mer, en conditions réelles.

Organes de règlementation nationaux et internationaux

La règlementation – incluant aussi plus largement la taxonomie, la taxe carbone et l’évolution règlementaire –, est un des leviers majeurs qui permettront d’atteindre les objectifs de décarbonation. Cependant, la mise en place de nouvelles règlementations est complexe et doit garantir une certaine équité entre les acteurs au niveau européen ou international, ne pas induire des biais ou des changements de comportement allant à l’encontre des objectifs initiaux. Cela implique de savoir faire la part des choses entre les différents lobbies qui défendent des intérêts spécifiques, etc. : ainsi, afin éviter cette situation, il est nécessaire de s’appuyer sur des études indépendantes.

Les organes de règlementation nationaux et internationaux ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de :

  • Définir le cadre règlementaire dans lequel les équipementiers, chantiers, armateurs etc. vont devoir inscrire leurs activités ;
  • Fournir et consolider des données liées aux émissions ;
  • Participer aux réunions internationales visant à l’évolution de la règlementation au regard des possibilités technologiques et opérationnelles.

Les principaux besoins des organes de règlementation nationaux et internationaux vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Disposer d’études indépendantes basées sur des approches scientifiques, des retours d’expériences issus de démonstrateurs, etc. ;
  • Disposer de modèles permettant d’évaluer l’impact de projets de règlementations et d’en mesurer les impacts.

Ports et terminaux portuaires

Les ports et terminaux portuaires sont l’interface entre la terre et les flottes de navires. Ils fournissent l’énergie à travers les opérations de soutage, chargent et déchargent les navires en étant le centre névralgique de la logistique maritime et sont en lien avec les autres moyens de transport. La transition énergétique est donc au cœur de leurs préoccupations, et ils seront un des maillons de la chaîne permettant la décarbonation du maritime.
Les ports et terminaux, à travers leurs équipements de manutention et de levage sont également consommateurs d’énergie et devront décarboner leurs activités.

Les ports et terminaux portuaires ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de  :

  • Adapter les ports aux nouvelles énergies qui seront soutées par les navires au port ;
  • Fournir des solutions de branchement à quai pour réduire les émissions et permettre le rechargement de navires hybrides ou électriques ;
  • Fournir les besoins énergétiques, notamment aux gestionnaires de réseaux électrique pour dimensionner au mieux l’approvisionnement

Les principaux besoins des ports et terminaux portuaires vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Etre impliqués dans les projets d’études de changement d’énergie pour comprendre et anticiper les impacts sur leurs infrastructures ;
  • Développer avec les armateurs et les énergéticiens, une stratégie concertée intégrant les besoins opérationnels et énergétiques ;
  • Disposer d’équipement de manutention et levage allant vers le zéro émissions.

Sociétés de classification

Les sociétés de classification sont des acteurs incontournables de la transition énergétique car ils auront la charge de certifier les équipements et de classer les navires qui vont progressivement se décarboner. Cette décarbonation passera par l’usage de nouvelles molécules, telles que l’hydrogène, l’ammoniac ou le méthanol, pour lesquelles les aspects sécurité et risques sont sans commune mesure avec les carburants actuels. Or, définir des règles et normes demande d’accéder aux développeurs de technologies, d’être impliqués dans les projets démonstrateurs pour « apprendre » en parallèle des démonstrateurs ou de disposer de données et d’un retour d’expérience.

Les sociétés de classification ont un rôle majeur dans la transition car ils vont permettre de :

  • Contribuer à l’analyse des risques associés aux nouvelles énergies et technologies associées ;
  • Apporter une expertise globale sur les technologies associées au navire.

Les principaux besoins des sociétés de classification vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont :

  • Etre impliquées dans les projets de développement technologiques pour acquérir le niveau d’expertise nécessaire à la définition des règlements de certification et de classification dans les projets de développement de navires innovants et à leur exploitation pour acquérir le niveau d’expertise nécessaire à la définition des règlements de certification et de classification.

Stockage et soutage

Les sociétés en charge du stockage et du soutage des nouvelles énergies doivent aussi s’adapter au changement d’énergie. Ils doivent développer des cuves et solutions de soutage pour les différentes solutions. Les cuves et équipements de soutage sont des éléments extrêmement technologiques, et leur conception implique des travaux d’ingénierie complexes et spécifiques au domaine maritime : volumes des cuves les plus grandes au monde, soumises à des mouvements du navire important induisant des impacts de liquides (« sloshing ») pouvant endommager les cuves, gestion du changement de phase et du « boil-off » (évaporation) qui doit être maitrisé pour ne pas gaspiller l’énergie, gestion de la corrosion, gestion des déformations du navire qui ne doit pas impacter la cuve, protection des cuves en cas de collision ou d’incendie à bord du navires, gestion de la cryogénie (-163°C pour le GNL et -223°C pour l’hydrogène liquide – soit seulement un écart de 50° du zéro absolu), solution de remplissage des cuves rapide et sûre pour ne pas augmenter les temps d’escale, etc.

Le rôle fondamental des équipementiers en charge du stockage et soutage est de :

  • Développer des solutions technologiquement adaptées aux nouvelles énergies et aux navires considérés ;
  • Apporter une expertise sur les solutions de stockage de l’énergie vers les bureaux d’étude et chantiers de construction, afin qu’ils anticipent les contraintes et puissent prendre en compte ces solutions dans leurs études ;
  • Participer aux études technico-économiques des différentes solutions énergétiques bas carbone.

Les principaux besoins des équipementiers en charge du stockage et soutage vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne de valeur sont de :

  • Connaître les usages et projets prioritaires, afin de proposer les solutions de stockage et soutage adaptées
  • Connaître les contraintes de fabrication des sous-traitants, afin de développer des produits adaptés ;
  • Mettre en place des solutions de soutage optimales en lien avec les ports, énergéticiens et armateurs.
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